Due persone a bordo, la barca prende acqua e affonda in qualche minuto. L'autogonfiabile si rompe contro lo scafo, salgono sul gommone semi-sgonfio.
Riescono a tenere ora dopo ora (uno dei due è sotto insulina), consumano quasi tutit i razzi durante il passaggio ravvicinato di due navi che pero' non li avvistano.
Alla fine un cargo con equipaggio ucraino li vede per puro caso: uno dei due si mette a fare i segnali con una fioca torcia tascabile ed è proprio quella -dichiarerà i capitano della nave- che è stata avvistata. Accendono l'ultimo razzo che restava per indirizzarli verso di loro.
Altra botta di fortuna, il cargo era vuoto quindi ha potuto accostare in fretta, se fosse stato pieno il capitano dichiara li avrebbero quasi sicuramente persi di vista nella notte.
Gli elementi di insegnamento pratico concordano con quelli di tanti altri casi, in particolare sulla presenza di una radioboa (epirb o plb), quantità di razzi, radio vhf portatile, eccetera.
DERNIER CARGO POUR ROTTERDAM
Où : 44° 33 N 002° 48 W
C’est l’aventure douloureusement vécue par deux vieux copains, Jean-Pierre et Jean-Michel, sexas fringants et sportifs, à la relation virile, voire très virile (ça se fritte parfois) mais qui, connaissant bien leurs défauts respectifs, se font une confiance absolue pour une traversée hauturière.
Donc … Jean Pierre Bonne décide l’acquisition du CATAMARAN de ses rêves et trouve une très belle occasion de 19 ans, dans le petit port de ZUMAIA, à côté de BILBAO, sur la côte Basque Espagnole.
Je décide d’être son équipier pour convoyer MAMBA, un TOBAGO 35 (11 m) de FOUNTAINE PAJOT en une première étape de 300 milles (540 km) qui nous mènerait à CROZON MORGAT, à la pointe Bretagne , et pourquoi pas, dans la risée, jusqu’à la BAIE DE SOMME et son port du CROTOY, destination finale et port d’attache, si la météo est favorable .
Nous quittons AMIENS dimanche 17 mars 2013 et, par une série de trains français et de métros aériens espagnols, nous arrivons à ZUMIA et sa Marina, lundi matin à 11 heures.
Je prends possession de la cabine tribord avant.
- « dis donc, c’est sympa il y a un hublot dans le fond de la cabine pour regarder les poissons » Je n’ai pas l’habitude des catas…
-«mais non, c’est une trappe d’évacuation de passagers quand le cata se retourne » … parait que ça arrive !!!
- «ok »…
Nous procédons aux préparatifs classiques et méticuleux du bateau :
Avitaillement,
Eau de bord, gazoil,
Contrôle et entrainement à l’électronique de navigation (notamment VHF fixe et VHF portable issue de mon propre matériel, qui n’a jamais voulu se recharger sur le courant du quai, je n’insiste pas, j’aurai dû, c’est une erreur qui nous coutera très cher)
Ambiance excellente, première bonne bouffe à bord et première nuit calme et sereine sur un bateau pas plus agité qu’un bloc de béton… Ce sera la dernière !!
Mardi matin, dernier avitaillement, la capitainerie nous confirme nos pronostics météo, à savoir :
Jusqu'à vendredi après midi sur le golfe de Gascogne (Cantabrico, Rochebonne, Yeu et Iroise) :
Mer peu agitée à agitée, mollissant
Vent de secteur Nord-Ouest (dans le nez pour nous) passant Sud-Ouest mercredi soir et jeudi ( un bord d’enfer au plein travers en prévision )
Mais houle de 2.5 à 4 mètres … c’était vrai et éreintant.
Notre plan de navigation est simple :
300 miles à 5 nœuds mini de moyenne = 60 heures de nav jusqu'à Morgat …
Soit : nous doublons le Raz de Sein, en conditions favorables jeudi avant la nuit (vent sud / ouest et marée montante), ou nous nous abritons à Audierne, mouillage de St Evette et passons le cap au petit matin pour un appontage à Morgat vers 10 heures, avec environ 12 heures d’avance sur le 7 Beaufort annoncé.
Après une réunion de quelques secondes, nous décidons à l’unanimité d’appareiller.
Il est midi … soleil … le bonheur…, d’abord pour le nouveau propriétaire/skipper, qui nous réalise une très belle sortie de marina dans une risée rebelle.
15 nœuds de vent.
Cap au 300° que nous suivrons en permanence … enfin jusque…
Jusqu’aux premières étoiles, nous avançons à 6 nœuds au près très serré (35 / 40 °) Grand voile et génois bordés au maximum ; la poulie mobile de bôme coince un peu, faudra paraffiner…
Quelques dauphins ……
Première nuit, vent de face, 27 à 30 nœuds, secs de voiles, nous passons au moteurs à 2000 tours pour épargner la machine qui «tape » pas mal dans une houle de 3 à 4 mètres.
Après une tentative de repos de 12 secondes et demie sur ma couchette …
Je passe la nuit dans le cockpit, malade dedans , jamais dehors .
Mercredi matin 9 heures. (Chance n° 1, 3 heures plus tôt c’était l’enfer).
Je suis à la barre, capelé, botté …
Jean Pierre est de repos pas capelé, pas botté ….
Toujours aux moteurs , et depuis 6 heures du matin , 2 ris dans la grand voile .
Le moteur tribord se met en sécurité, je coupe le circuit sans comprendre et préviens JP.
Il me rejoint dans le cockpit pour analyser.
Rentre dans le carré,
Et découvre : «Regarde cette flotte dans le caisson droit … on va couler !!!! »
80 cm et ça monte à une vitesse fascinante,
J’essaie de comprendre d’où elle peut venir,
Je tente d’accéder à ma cabine, deux marches plus bas…
90 cm d’eau, ma porte est bloquée, impossible d’emporter ma sacoche à insuline. .. ni rien d’autre .
1 m, l’eau envahit le carré et se déverse déjà dans le caisson bâbord.
On sait tous les deux sans se parler que ça va aller très vite.
JP se jette sur la VHF et envoie ses MAYDAY… Sans retour …
Je libère le BIB et le déclenche,
JP a de l’eau à la taille, Il faut évacuer très vite pour ne pas être entrainés par le fond, en tout cas c’est ce qu’on pense,
C’est sidérant de vitesse, c’est sans pitié.
Tous nos gestes sont précis, méthodiques, silencieux, rapides,
L’impression de réaliser cet exercice pour la trentième fois,
De la hâte, mais pas de panique,
Nous nous féliciterons les jours suivants, sans fausse modestie, de notre sang froid.
Je retiens le BIB par son amarre mais le Cata plonge déjà par l’arrière, le panneau solaire, sur son portique, affleure l’eau à chaque ressac et son cadre vient crever le BIB. Erreur de manipulation de ma part …mais je manquais un peu d’entrainement…
L’annexe (zodiac) il y en avait une, fixée elle aussi au portique. (Chance n° 2).
JP y jette tout ce qu’il trouve d’utile pour la balade :
Une maxi Vittel de 5 l
Une valise de fusées
4 bananes espagnoles (vertes)
Un pain qui finira en bouillie salée comme les bananes (j’en ai mangé, ça vous arrache la gueule)
C’est tout … et c’est très peu ….et c’est trop peu. Mais on fait avec le temps imparti.
Après cette cueillette à la Prévert….
JP plonge dans l’annexe et sectionne par-dessous, avec le magnifique LEATHERMAN offert par ma fille et toujours dans ma poche, merci cocotte, toutes les amarres.
Simultanément j’extrais du BIB éclaté tout ce que je peux récupérer, quelques sacs rouges et étanches, et les balance dans l’annexe.
Quelques minutes plus tard, on en fera l’inventaire sans savoir à ce moment là, que chacun d’entre eux nous sauvera la vie à sa façon :
Une boite de fusées en tous genres (ça nous en fera deux et on a rien laissé),
Une paire de pseudo pagaies pour baignoire de gosse,
Un gonfleur (dont l’embouchure s’adapte aussi au zodiac) (Chance n° 3),
Une certaine boite étanche contenant une micro lampe torche +piles +lampe, le tout en état de marche.
Je saute à mon tour dans l’annexe et nous la libérons pour ne pas être entrainés au fond.
A ce moment précis,
IL SE SERA PASSE 3 MINUTES CHRONO DEPUIS LA PANNE MOTEUR
Nous dérivons de quelques mètres et le bateau s’enfonce jusqu’en pied de mat et semble stabiliser sa descente.
JP a une phrase admirable d’émotion : « PUTAIN, MON BATEAU !! »
Il ne se décide pas à couler plus bas, et toutes nos denrées et matériels se déversent dans la mer en procession par la grande porte du carré, comme d’une corne d’abondance. Mais ce n’est pas drôle, et nous regardons cela, spectateurs encore (pas pour longtemps) incrédules de ce qui nous arrive.
On doit en être à 5 minutes, mais là, le temps nous est un peu abstrait, voire surréaliste. Ca doit pas nous concerner, le film va s’arrêter, il suffit d’attendre calmement.
D’ailleurs, nous sommes bizarrement calmes.
Mais on regrette de ne pas avoir récupéré plus de butin sur la, déjà, épave.
Alors, nous prenons nos petites rames en plastique et nous souquons comme des forcenés pendant 20 minutes pour rejoindre le cata.
On tente de s’amarrer et de monter dangereusement sur le toit du rouf à fleur d’eau, mais le ressac du bateau est plutôt contendant et je persuade JP de nous éloigner à nouveau pour éviter la crevaison ultime et fatale. Je prends le temps d’emporter la toile crevée du BIB qui servira de Kaway à JP.
NOUS NOUS LAISSONS DEFINITIVEMENT DERIVER , JP A UNE AUTRE PHRASE BIZARRE , MAIS PLEINE D’OPTIMISME INCONCIENT : « ET BEN , ON EN A AU MOINS POUR 3 OU 4 JOURS DE GALERE , FAUT SE PREPARER ».
Au moment du naufrage nous avions navigué 20 heures à 4 nœuds de moyenne, soit donc environ 80 miles (145 km) parcourus au 300 ° à partir de Zumaia. Notre carte géographique mentale nous situait à quelques 70 miles (130 km) au plein ouest de Bordeaux et je ne cache pas qu’on comptait bien sur notre bonne étoile pour nous remorquer, grâce aux courants, jusque sur une plage Landaise ; ben voyons !!!!
JP est trempé jusqu’à la taille (pas capelé, pas botté) dans son jean et ses chaussures bateaux tout cuir, il le restera …. Et souffrira cruellement du froid jour et (surtout) nuit .
Et nous dérivons,…et nous dérivons …
Le mat du cata se balance toujours à l’horizon ….
Et nous dérivons ….
Et la mer, c’est encore plus désert au ras de l’eau …
On s’installe en vis-à-vis, JP dans la pointe avant, moi adossé au tableau arrière ….
Mais le cul dans l’eau tous les deux …. Oui, un bonheur n’arrivant …etc. … le zodiac prend l’eau…
On écope (déjà), d’abord avec les deux éponges, merveilles de la technologie de survie fournies par la maison BIB, puis je casse la boite carrée à fusées, rouge caractéristique, et utilise le couvercle comme pelle à écoper.
Il me servira également de siège, de rame, et d’urinoir pour JP ;
Je l’ai gardé, ça s’appelle un couvercle multi fonction !
Et nous dérivons ….lentement …
Comme nous avons devant nous la perspective de quelques moments d’inaction et de loisirs nous abordons enfin la question sidérante de perplexité :
COMMENT ?
Comment un bateau peut il se remplir en 3 minutes ?
Ça ne peut être que par un trou énorme ?
Choc avec une pièce flottante durant la nuit agitée à très agitée ? La mer dans ce coin est une caverne d’Ali Baba : des planches, des bidons, des bouées métalliques, des billes de bois ; j’ai vu tout ça.
L’après midi se déroule et on la suit … dans une sorte de torpeur.
J’émets une hypothèse qui me semble furieusement vraisemblable :
Le hublot de secours au fond de ma cabine, celui que je croyais réservé à la contemplation de la faune marine …. Je suis persuadé qu’il a été pulvérisé par un de ces objets flottants identifiés. Mais quand ? Nous n’avons perçu aucun choc, sauf cette nuit ; aurait-il lâché à contretemps après une sorte d’agonie ?
Aurait-il été mal fermé avant le départ ?
Mais un hublot immergé ne peut pas être mal fermé !?
On cogite, perplexes …. Et on dérive ….
Et JP est mouillé, frigorifié… Et on dérive ….
C’est là que débute, comme dans les films du genre, le passe-passe du bon et du mauvais moral entre les partenaires,
Une fois je vais bien et je tente de le rassurer,
Une fois j’envisage le pire et il me prétend que c’est un peu tôt pour déprimer ;
Nous sommes serrés comme des sardines, tête bèche, somnolents, étonnamment calmes et encore relativement confiants (on a des munitions) mais je ne me souviens pas qu’on ait ironisé ou tenté quelques mots d’humour …
Fin d’après midi, notre premier bateau…..agitation.
Ça ressemble à un Paquebot de passagers, 6 ou 7 étages de cabines ;
On le donne comme venant de SANTANDER, d’après notre sens mémorable de l’orientation.
Première fusée, dans l’eau, on avait pourtant bien révisé la manœuvre notée sur les engins, la nervosité sûrement , premier fumigène, première déception, il ne nous voit pas (nous préférons croire ça) et passe sa route.
Début de première nuit glaciale, humide et houleuse (3 à 4 mètres).
Nous nous tassons un peu plus au fond du zodiac, tient ! on ne vomit même pas, d’accord on a rien dans le ventre depuis 24 heures et encore pour ma part, le repas d’hier soir est reparti à l’eau presque immédiatement, il ne nous reste que de l’acide gastrique et des hauts le cœur ravageurs . Non moi j’ai des principes, je ne vomis qu’à l’intérieur, jamais à l’extérieur.
Dans la nuit (quelle heure ??) à peu de distance, un cargo et un gros chalutier, difficile d’estimer leur éloignement , peut être 1 mile, nous tentons un échantillonnage complet : feu parachute, feux à main, fusées.
JP se brule sévèrement le pouce en utilisant l’avant dernier feu à main de la boite, il me montre un œuf de caille, non, non, c’est une cloque monstrueuse, dans l’eau de mer ça va être sympa si elle éclate ! elle éclatera !
Encore raté, les deux bateaux s’éloignent, nous nous tassons un peu plus encore.
L’heure est propice à un inventaire :
En matériel : il ne nous reste, que, un feu à main (c’est pas français, mais c’est dramatiquement réel).
Ainsi qu’un fumigène, que nous voulons réserver à l’éventuel passage à basse altitude d’un éventuel avion (genre BREGUET) de recherche, que nos amis et familles pourraient déclencher éventuellement dans 3 à 4 jours. Nous sommes mercredi soir, notre plan de navigation prévoyait une arrivée à Morgat jeudi soir ou au pire vendredi midi, j’imaginais, à juste titre, que ma fille et mon copain morgatois, informés de ce plan, auraient donc lancé l’alerte samedi, voire dimanche. Mais nous le savions, un force 7 à 8 était prévu pour le samedi. Dans cette «brise», inutile de rêver…
Il nous reste aussi une certaine mini lampe torche qui nous entraine à un peu de dérision, mais bon ……
En denrée, c’est pire encore, si si c’est possible :
3 litres d’eau
Rien de comestible et surtout ma réserve d’insuline diminue très vite.
Je ne mange rien, donc pas de sucre, mais je sais que le corps en fabrique, que le manque prochain d’insuline va me poser de gros problèmes.
Après cet inventaire peu encourageant, nous apercevons la lueur très lointaine de 2 phares, on espère très fort que ce sont ceux de la côte Basque espagnole, ce serait logique avec ce vent de nord ouest et la houle du même tonneau, on se voit bien accoster le lendemain matin sur une plage espagnole ; peu importe laquelle, pourvu qu’on nous accueille bien… JP se raccrochant à l’idée d’une trace de vie dans les phares ou à leur pied , lance la dernière fusée parachute . ( dérisoire bouteille à la mer ?? )
L’entente est toujours cordiale ; à un moment JP élève bien un peu la voix pour affirmer sa suprématie de chef compétent, je lui lance sur un ton définitif mais surtout pour détendre l’atmosphère: « dis donc Jean-Pierre, on va mourir et tu recommences à me faire chier ? ». C’est marrant je l’ai senti étonné et tout s’est calmé …
Le reste de la nuit se déroule dans un semi sommeil haché, morose et humide, entrecoupé de pipis acrobatiques, d’écopages salutaires et depuis peu de regonflages du boudin droit, en effet dans notre festival de feux d’artifice de survie, une étincelle est venue provoquer une micro (heureusement) crevaison . Nous la repérons facilement , la flamèche est tombée sur un renfort de caoutchouc du boudin droit provocant une brulure et un trou d’un millimètre .
Un centimètre à coté sur la toile enduite , cela provoquait surement un trou que le doigt ne pouvait pas boucher . (Chance N° 4 )
Jusqu’à la fin , nous garderons ce rythme : 20 minutes de somnolence,
1 gorgée d’eau minérale, sauf JP qui passe souvent, trop souvent, son tour, je l’engueule ; pour ma part mon diabète déséquilibré me donne une soif atroce et je dépasse allégrement mon contingent, j’en ai un peu honte,
1 gonflage (préposé : JP)
1 écopage (préposé : JM)
1 pipi : comme chacun peut, moi à genoux par-dessus bord , JP dans le couvercle multi fonction
Jeudi, premières lueurs du jour
Pas de Côte Espagnole, ni de comité d’accueil évanescent, le vent et les courants se sont inversés et nous ramènent dans la direction du lieu de naufrage, ciel très chargé le matin, belle amélioration prévue l’après midi ;
Les calculs ultérieurs prouveront que nous avions repris quasiment la même route au 300 °.
Jeudi, toujours, de l’aube à la nuit : … RIEN
Pas une coque,
Pas une âme,
Deux ou trois hirondelles de mer (où est ce qu’elles habitent celles là ?)
Trois, quatre Fous de Bassan en piqué, magnifiques, mais, curieusement, ça ne nous émeut pas.
L’inventaire de la veille reste rigoureusement valable, le coup de vent qui se rapproche en plus, l’insuline en un peu moins ….
Toute la journée (putain que c’est long, plié en 4 sur un ballon dégonflable) nous nous brûlons les yeux à scruter l’horizon, chacun ayant sa moitié du monde en ligne de mire.
RIEN
Oserais-je , ici , pour combler un instant ce RIEN ,évoquer un épisode urologico-tragico-comique ?
J’ose
JP , calé sur ses sacs plastiques , grelotant emmitouflé dans sa bâche me dit avec cette belle simplicité de langage des hommes entre eux :
« j’ai envie de pisser , mais j’veux pas bouger , j’ai trop froid »
« y a qu’une solution Jean Pierre , tu pisses dans ton froc , ça te tiendra chaud au moins trois minutes , et de toute façon , j’écope »
Il s’exécute , je tourne pudiquement la tête pour ne pas surprendre dans ses yeux un reflet de bonheur furtif .
Il renonce à la troisième récidive : « faut que je trouve autre chose »
Dans notre sac au trésor , je lui dégote une sorte de demi-tube en plastique de 5 cm de diamètre et je pense aux « pistolets » des chambres des hommes à l’hôpital . Il a bien un mot goguenard pour comparer la section à son anatomie , je ricane désabusé .
Il engage , si je puis dire , le processus ……et se balafre sur le bord tranchant du tube ce qu’on nommera sa première extrémité ……. Bonheur quand tu nous tiens.
En d’autres lieus , j’aurais pouffé… au minimum. Là , aux alentours du 44 ème nord , je compatis tristement …… C’est là , qu’il a opté définitivement , pour le couvercle multifonction .
La soirée sinistre prend la suite de la Journée sinistre . Statistiquement et raisonnablement (mais est ce bien raisonnable ?) nous allons mourir, ça me révolte un peu, j’avais autre chose à faire bordel, et puis ça ne me concerne pas, je ne suis pas fait pour mourir moi, j’ai encore du boulot, revenez plus tard, merde !
D’ accord, si c’est l’heure, je me résigne ;
Mais comment ça se passe ? Dans l’eau, il parait (où ai-je pu lire cette connerie à laquelle je m’accroche ?) que ça va vite, on avale, on voit cette espèce de lumière blanche qui plait à tellement d’allumés et on s’en va dans un concert de harpes celtiques … ou maliennes, m’en fous ;
Ou alors, c’est l’hypothermie, le froid nous endort gentiment, on ne peut plus regonfler le boudin, on bascule à l’eau, même pas encore mort, donc ça revient au même.
Et les enfants, les petits enfants, les proches, on a la vanité soudaine de croire qu’ils seront tellement tristes qu’ils ne pourront pas vivre sans vous ;
Et la DUVEL VERTE (un peu fraiche svp) que je veux siroter à ma terrasse de bistrot préféré de Morgat où je m’installe définitivement dans deux mois ; petite maison sympa, vue mer, je la sens bien et j’aimerais la sentir encore longtemps, disons 30 ou 40 ans.
-«Dis donc Jean Pierre »
On ne s’est pas parlé depuis cet après midi, quelquefois on se regarde, on se surveille, je crains toujours l’hypothermie, plusieurs fois il m’a dit, « je vais pas bien, je crois que je vais partir ». Et quand je vois sa tête, je le crois.
-« Fais pas le con Jean Pierre, accroche toi »
Mais là, c’est moi,
-« Dis donc Jean Pierre, j’ai pas le moral, dis moi quelque chose »
-« Et ben moi je crois que j’ai une bonne étoile » C’est vrai que ce gaillard s’est déjà sorti de drôles de galères, « et puis tant qu’on est dans le radeau … »
Je le regarde et je l’entend penser : « ils sont pas encore là ?! ils sont en retard ! »
Il pense à la cavalerie qui va le sauver comme d’habitude .
Comme dans le désert pendant trois jours à coté de son coéquipier de quad blessé.
Comme sur sa planche à voile , entrainé par les courants de la Manche .
Comme en montagne retrouvé après un jour et une nuit d’errance dans la neige .
Comme … je ne sais plus …
Ce que je sais , c’est que ce mec …ou tu le fuis parce qu’il t’entraine dans ses galères …ou tu le colles de prés et tu profites de son étoile qui jusqu’à aujourd’hui est vraiment bonne pour lui .
Je pense : d’accord Jean Pierre, sauf que dans 36 heures la tempête arrive, que je n’ai plus que quelques heures d’insuline (peut- être 36 aussi ) que nous n’avons plus qu’un feu à main, soit un coup pour faire mouche, un one shot, si on veut frimer…mais là on ne frime vraiment pas.
Mais tout ça, je ne lui dis pas ….
-« D’accord Jean-Pierre, on y croit, on se bat»
Nous nous préparons à passer notre deuxième nuit, la routine quoi.
JP, des sacs plastiques sous les fesses, la toile du BIB en guise de couverture de survie et moi grelotant aussi malgré mon bon équipement.
Je pense qu’après un dernier tour de l’horizon nocturne, nous nous assoupissons pour ne pas ressasser nos idées noires ou nos phantasmes lancinants de sauvetage. Mais mes rêves endormis sont identiques à mes rêves éveillés.
Combien de temps avons-nous dormi ? quelques dizaines de minutes, surement pas plus . On se réveille en même temps. Nuit noire , montre illisible .
Sur ma droite, on dira à deux heures, deux lumières :
-« Jean Pierre, un bateau, là, derrière toi ! »
Un petit très prés …ou un gros très loin ???
Le cœur bat, on sait que c’est notre dernière chance, mais comme pendant toute cette aventure, on se fait confiance et on réagit en plein accord très rapidement.
J’aperçois une lumière verte, son feu tribord de navigation, il vient donc dans notre direction ou plutôt, il ne nous tourne pas le dos ;
La grosse bulle d’espoir insensé enfle encore un peu dans notre estomac, j’ai l’impression de marcher sur des œufs, mais avec des rangers !
Jean Pierre me demande la fameuse micro lampe torche planquée dans notre sac au trésor et la braque sur le bateau en lui imprimant de grands mouvements. Je doute et pourtant …
On croit déceler un changement infime dans la trajectoire du bateau.
Nous discutons au moins deux secondes et demie :
Le feu à main, le dernier, on y va, on n’y va pas ?
-« On y va Jean Pierre, le voilà, mais ne le loupe pas ! tiens le au bon endroit, qu’il ne tombe pas à l’eau ».
Le feu de Bengale au bout du bras, je trouve ça presque beau.
Il me semble entendre un coup de sirène très bref, on en est maintenant sûrs, le bateau oblique vers nous, le cœur est à plus de 200, ça cogne à tout rompre là- dedans. On a du hurler l’un pour l’autre deux ou trois trucs d’encouragement .
Et puis un énorme projecteur nous cherche et nous braque à partir de la passerelle.
Moment inoubliable, à jamais... t’étais mort, tu sais que tu ne l’es plus, en un centième de seconde qui marquera le restant de ma vie.
Je distingue un homme à la proue et d’autres qui courent vers l’avant,
Je me mets à hurler : « we need help » … mais je crois après coup qu’ils l’avaient deviné…
Le bateau s’arrête, comment a-t-il fait en si peu de temps, proue pointée sur nous, à 100 ou 150 mètres. Nous saisissons nos pagaies de « compet » (couvercle multi) et ramons comme des dératés jusqu’au flan tribord du navire.
Je crois entendre du Russe ou du Polonais et il me semble deviner un bout de phrase comme : «oui, mais……. ROTTERDAM »
Mais je m’en branle mec, Mexico ou Tahiti ça me va aussi, moi ce que je veux c’est être là-haut sur ce pont, on ne va pas faire les difficiles.
En fait, mon anglais n’étant pas aussi sophistiqué et étant un garçon courtois, je m’arrache seulement les cordes à leur crier : «we want to get on board » à plusieurs reprises, des fois qu’ils changent d’avis à notre sujet.
Un premier bout pour amarrer le zodiac, je jure avoir pensé a un cordon ombilical qui repousserait.
Le bateau, maintenant immobile, dans la houle, monte et descend de 4 mètres comme un yoyo, au point haut, notre petit radeau semble sur le point de passer dessous, en redescendant, le bateau le repousse comme une feuille morte.
Je leur mime la fixation d’une amarre autour de ma poitrine, mais c’est une échelle de coupée de 10 ou 12 mètres qui descend vers nous (admirable instrument d’acrobatie maritime fait de grosses cordes et de planches plus ou moins régulières).
Jean Pierre s’y colle le premier mais n’attend pas que le bateau soit au plus bas de sa phase de descente, il saisit donc l’échelle deux échelons trop bas et à la remontée se trouve suspendu dans le vide par les mains ;
J’attrape ses jambes pour les guider vers le zodiac dans lequel il redescend, et je crie aux hommes là-haut : «plus long»
Ils nous rallongent ça de 40 cm et je me lance en visant au plus haut de l’échelle.
J’agrippe les deux montants de corde et j’ai immédiatement un pied sur un échelon, je grimpe avec les dents, avec les ongles, avec une rage de me sortir de cette merde.
Après deux ou trois échelons , l’idée me traverse fugacement l’esprit qu’en gym, au lycée, on nous faisait grimper les échelles de corde latéralement (entre les jambes) et non de face. Mais là, je décide de faire classique.
Quand ma tête atteint la passerelle ,j’ai un tuyau devant les yeux , je l’agrippe , bien décidé à ne pas lâcher prise . Je ne peux plus faire un geste, ma poitrine va éclater, trois types me saisissent par les bras et la veste et me tirent à plat ventre sur la coursive.
Quand mes deux genoux touchent le métal, je sais, et je me souviens du sentiment, je reboirai de la DUVEL !
Je ne peux pas me relever, mon torse va exploser, je pense sérieusement à l’infarctus, ce serait con, merde !
Les hommes me laissent reprendre mon souffle , je ressens leur émotion .
Pendant ce temps, Jean Pierre grimpe, je me soulève pour assister à la fin de son escalade. Il est debout dans la coursive, je me lève tant bien que mal, souffrant le martyr dans la poitrine, mais voulant absolument l’étreindre, en fait je lui fais un bisou à la Laurent Blanc sur Barthes accompagné d’une franche bourrade ; pour un peu on deviendrait affectueux.
Nous sommes entrainés, plutôt porté pour moi, vers les étages inférieurs par des hommes que je ressens plein de sollicitude a notre égard.
Une minute après, nous sommes dans une double cabine qui ressemble aux quartiers du capitaine, nous remercions à tout va, nous serrons les mains qui nous aident à nous débarrasser de nos vêtements puants et deux minutes après nous sommes sous une douche chaude.
C’est tout aussi hallucinant, irréel, surréaliste et rapide que notre naufrage ; un « dénaufrage » en quelque sorte.
On nous emmène nos vêtements pour, nous dit-on, les laver et on nous donne des combinaisons de mécano propres et chaudes ; on nous guide deux étages plus bas, dans la salle à manger de l’équipage où on nous sert une soupe chaude.
Il est minuit, ce jeudi 21 mars, que dire pour exprimer ce qui nous parait irréel ?
Nous apprenons que nous sommes sur le NICOLA, un vraquier de 85 m, que l’équipage, composé du capitaine et de 6 officiers et matelots, est Ukrainien et qu’il est émerveillé d’avoir sauvé deux hommes.
Et nous apprenons par le capitaine, Oleg Butuzov, un grand gaillard Slave souriant, l’incroyable chance qui fut la notre, il nous raconte :
« A cette heure là , tout le monde dort ou est à son poste de travail sans vue extérieure, le bateau fait sa route seul avec ses radars de sécurité, un homme de quart dans le poste de pilotage mais occupé à tout autre chose que de regarder la route où il n’y a rien à voir la nuit. J’étais très exceptionnellement en train de siroter un thé et tapoter mon ordinateur perso face à la route ( Chance N° 5 ), les pieds sur la console de commande, quand j’ ai cru voir une petite lueur sur mon tribord (la fameuse mini torche). Dans le doute j’ai ralenti les machines et quand j’ai vu le feu de détresse, j’ai stoppé complètement en effectuant un demi cercle vers vous pour me placer à votre vent ».
Le brave homme !!!!
Nous apprendrons que ce vraquier faisait route de BILBAO à ROTTERDAM, à vide, on dit lège (Chance n° 6).
Le capitaine nous précise que si le bateau avait navigué a plein, il lui eut fallu un mille pour manœuvrer vers nous en une énorme courbe, avec peu de chance de nous repérer dans le noir après l’utilisation de notre dernier feu.
Il rentre en Ukraine, retrouver sa femme et ses enfants et son voilier de 7 m 50 avec lequel, en famille, il accumule les médailles de régates.
Il est ravi d’avoir sauvé pour la première fois de sa jeune carrière, deux hommes ; magnifique cadeau pour un dernier voyage …. Mais pourquoi nous appelait-il :
Les OLD CRAZY MEN ?
JP s’effondre sur sa couchette . Moi je préfère ,avant de dormir , noter la trame de ce qui vient de nous arriver .Comme si le sommeil risquait de me faire oublier …tu parles ! Le capitaine me donne du papier et un crayon de bois et j’écris frénétiquement pour ne pas en perdre une goutte , l’ébauche de ce qui deviendra ce recueil de souvenirs .
VENDREDI sur le NICOLA
On nous annonce une arrivée à ROTTERDAM samedi soir, je refais mes calculs d’insuline, je dois tenir le coup avec ce qu’il me reste dans ma pompe , à condition que quelqu’un (mon fils accompagné des fils de JP) veuille bien être à l’arrivée avec des doses de remplacement.
Nous commençons par rassurer notre entourage par le téléphone satellitaire du bateau et, la forte émotion familiale une fois atténuée nous nous détendons en considérant gravement qu’on est mieux là que dans l’eau.
Je ne mange pas, ou presque pas, parce que j’ai l’estomac un peu noué et surtout parce que j’économise mon insuline. Au bout de la semaine , j’aurai perdu 7 kg .
Jean Pierre mange, sa part, ma part et même la part du rab, il récupère plutôt vite.
La cuisine semble excellente, le cuistot, comme tout l’équipage aux petits soins pour nous.
Journée à dormir et à récupérer, ma pompe se bouche, sauvetage par le MAC GYVER du bord qui me fabrique un nano déboucheur avec de la fibre.
SAMEDI
Le mauvais temps s’installe et mon mal de mer aussi, je vomis 10 fois par jour ce que je n’ai pas dans le ventre, je ne supporte pas les mouvements de ces grands bateaux, tu parles d’un marin !! j’y peux rien, un force 5 à la barre me laisse quasi indifférent alors qu’un léger clapot de fin de marée sur ma couchette me mène irrésistiblement à la gerbe, sauf votre délicatesse madame …
Rien à faire que l’attente et bien sûr la réserve d’insuline s’épuise, et le bateau ralenti sa vitesse face au mauvais temps ; nouvelle prévision : dimanche matin, je vais tenir…
DIMANCHE
Jean Pierre gambade dans les coursives et le poste de commandement, et moi, je suis de plus en plus anéanti sur ma couchette.
Délai repoussé a 17 heures dans une mer à 8 beaufort et un passage du PAS DE CALAIS par vent de face ; c’est beau mais c’est terrifiant.
Nos fils sont déjà a l’arrivée, mais le dernier message du capitaine donne un ultime délai à 22 heures.
Délai tenu, mais j’arrive dans un état désastreux, le capitaine qui s’était régulièrement tenu informé de l’évolution, a commandé une ambulance qui m’emmène d’urgence à l’hôpital de ROTTERDAM où je suis pris en charge en soins intensifs pendant deux jours avec un taux de potassium et d’acétone à faire exploser un cœur de cheval.
On m’a dit après : hélitreuillage ... je sais, j’aurais surement dû, mais je n’ai pas osé gêner plus.
Jean Pierre me racontera la séquence émotion du lundi :
Après les retrouvailles avec ses fils (et Ludo, le mien) sur le quai lundi matin et être venu me rendre visite à l’hôpital lundi midi, les adieux très émouvants ont lieu l’après midi sur le NICOLA où avec le capitaine et son équipage, réunis longuement dans notre cabine de 3 jours, tout le monde échange, se congratule, se remercie, s’étreint et pose pour les photos souvenir. Echange d’adresses, on reste en contact c’est promis .
J’aurais tellement voulu remercier une ultime fois ces hommes pour leur extraordinaire hospitalité et leur chaleur humaine, je leur écris dés cet après midi.
Jean Pierre est rentré chez lui lundi soir, mon fils refait la route ARRAS / ROTTERDAM mardi soir, peut-être plus perturbé émotionnellement qu’il n’y parait et je rentre enfin at home à Amiens après la semaine la pire et la plus longue de toute ma vie.
Bien sur, mes planchers et mon lit que j’avais tant espérer retrouver me maintiennent dans un rythme de houle, 4 jours après cela s’attenue enfin.
Et la première nuit , Mick Jaeger est venu à ma rencontre sur une plage , habillé d’un collant intégral en pilou pilou bleu canard, il a esquissé quelques pas de sa danse caractéristique et il m’a dit, en français avec cet accent charmant inimitable, en me prenant par l’épaule et en souriant : « Heureux de te revoir Jean Michel, tu viens danser ? »
Je n’ai pas dansé , mais dans mon rêve , j’étais flatté qu’il me connaisse
JEAN MICHEL LEFEBVRE
Second à bord du MAMBA
Et qui ne regrette pas une seconde de l’avoir été
Epilogue
Samedi 30 mars, 3 heures du mat, je ferme le PC, complètement décalé dans mes rythmes journaliers, je me regarde dans la glace en pissant avant de tenter de dormir quelques heures, j’ai une gueule de vieux, la tète rétrécie, mes yeux me font peur, comme s’ils avaient été témoins de quelque chose d’obscène la veille. A cette heure là de la nuit, j’ai l’impression que la mort me guette du coin de l’œil, sournoise et hideuse, elle me dit : « tu m’as filé entre les doigts cette fois ci , mais je te guette » comme un chat guette sa souris… Mais là je tombe dans le mélo à 2 balles, il faut que je dorme et que je passe vite à autre chose. Préparer mon SUN ODYSSEY pour la saison par exemple .
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