28 ott 2015
Una famiglia in barca... nel 1936
Un bellissimo video di una navigata familiare fatta nel 1936 su uno schooner, una famiglia parte da Gloucester sulla costa est degli Stati Uniti (lo stesso porto di George Clooney e il suo peschereccio Andrea Gail in "La tempesta perfetta"), passa il sud dell'America del Sud e va verso San Francisco.
Ite anco voi sanza meta, ma da un'altra parte:
Branca branca branca !
16 ott 2015
Un Fastnet con un equipaggio diverso
Bel, bel video sulla partecipazione al Fastnet con una persona di equipaggio quasi non vedente. Tutta la preparazione iniziale a Lorient alla BSM, poi il percorso di qualifica, poi la regata vera e propria, la bonaccia, il vento che arriva...
Bel, bel video.
Ite anco voi sanza meta, ma da un'altra parte:
Branca branca branca !
14 ott 2015
9 ott 2015
St Malo-Cape Town, 40 anni fa
Una pagina del blog dell'amico Daniel, imbarcato in una tappa della St Malo Cape Town Rio ecc di quaranta anni fa, foto di altri tempi
Ite anco voi sanza meta, ma da un'altra parte:
Branca branca branca !
1 ott 2015
Un Pogo rovesciato, abbandonato ma non affondato
Il racconto -in francese- di un Pogo che è stato rovesciato da un'onda, è rimasto rovesciato per circa un'ora, poi si è raddrizzato, l'equipaggio l'ha abbandonato ed è stato salvato da un cargo.
Voici donc toute l'histoire telle que je l'ai vecue.
Benoit en a eu une autre vision, pas beaucoup plus agreable, depuis l'exterieur de Zinzolin.
Nous naviguons bâbord amures sur Zinzolin ce jeudi 29 janvier 2015, cap au 230, a environ 1000 miles de Madere et 1700 de la Martinique. Depuis le depart le samedi 24 de Quinta do Lorde le vent est plus fort que prevu par les fichiers meteo, la plupart du temps voisin de 30 noeuds au lieu des 15 annonces.
Cette Transquadra est pour Benoit et moi une maniere de terminer notre histoire avec la 'Mini Transat', course a laquelle nous avions tous les deux echoue a nous qualifier, pour ma part de maniere officielle a cause d'une dechirure a un ligament de la cheville au cours de ma 'qualif' en juin 2003, 3 mois avant le depart de la course, mais surtout parce que je ne me sentais pas encore pret a partir seul en mer pendant 3 semaines sur un bateau de 6,50m.
Zinzolin, de 2m plus long qu'un 'Mini' mais en tous points essemblant, nous permet de fermer une boucle laissee ouverte depuis 10 ans. J'avais, comme Benoit, continue a courir en Mini, participe en Class40 a la Transat Quebec - Saint Malo 2012, mais j'etais equipier sur cette course et il me restait un gout d'inacheve.
Ce jeudi le vent tourne autour de 30/35 noeuds en moyenne, atteignant pres de 40 noeuds dans les grains. La mer devient forte, la houle atteint 5 metres. Surtout, elle est croisee, une houle principale venant du NE croisant un train venu du SE. S'additionnant parfois, certaines vagues deviennent vraiment impressionnantes et quelques
deferlantes m'ont deja secoue et pousse a mon poste de barre. Rien toutefois que nous n'ayons deja vecu au prealable et a plusieurs reprises en Mini.
Vers 18H, je demande a Benoit de me relayer, en lui disant de bien s'attacher pour ne pas prendre le risque de se faire ejecter du cockpit. Sous foc tangonne au vent et grand voile a deux ris, le bateau idealement equilibre et manoeuvrant descend la houle a 150 degres du vent avec une vitesse d'environ 10 noeuds. Il n'est pas question de performance a ce moment mais bien de preservation du bateau, de ses voiles et de son mat, avant de remettre du charbon une fois le coup de vent passe. Nous sommes remontes de la 50eme a la 30eme place en 5 jours et avons bon espoir de faire mieux encore dans les 10 jours suivants.
Pour la premiere fois depuis le depart, avec l'arrivee d'un grain, je ferme le capot de descente, element que je prendrai ulterieurement comme la source de tous mes problemes mais qui nous a peut-etre sauves en evitant que le bateau ne se remplisse d'un seul coup et qu'il ne soit plus possible d'y trouver le materiel de survie.
Je dois etre dans la banette depuis 1H quand tout a coup le bateau se met a giter brutalement dans un grondement de tonnerre, emet un craquement sec et sonore, et se retrouve subitement a l'envers, cul par dessus tete. Je me mets debout, marche sur le plafond de la cabine. Le bateau reste a l'envers. La quille a du casser, me dis-je, ce qui explique le grand 'bang' et le fait que le Zinzolin ne se remette pas a l'endroit. Pas d'autre explication. Je cogne sur la coque et appelle Benoit, qui me repond. Il est bien la, vivant, a cote du bateau, c'est l'essentiel.
Demarre alors l'heure la plus horrible de ma vie.
L'eau commence a entrer dans Zinzolin, principalement par les jointures du panneau de descente et par le panneau de commande du moteur situe a mi hauteur dans le cockpit. Impossible de sortir du bateau, le panneau de descente etant immerge, comprime par la pression de l'eau. Et un bateau dequille ne se redresse pas de lui
meme. Rien a faire, je suis fait comme un rat. Prisonnier d'une cage qui se remplit d'eau et dans laquelle je mourrai noye quand l'eau l'aura completement envahie, ce qui n'est qu'une questions d'heures a la vitesse a laquelle le niveau monte. Je ne peux pas y croire, c'est irreel, je ne peux pas mourir, pas ici, pas aujourd'hui, pas comme ca.
Au cas ou un improbable hasard amenerait le bateau a se redresser, je me depeche toutefois de reunir dans ce capharnaum baignant deja dans 10 centimetres d'eau et de gasoil (les 30L du reservoir se sont vides dans le bateau), tout ce que je peux et dois prendre avant qu'il ne soit plus possible de le trouver. Il fait encore jour, a travers les hublots du roof je vois la mer sous mes pieds ; elle m'eclaire d'un joli bleu turquoise. Je note l'heure, il est 19h30 TU, j'ai encore environ 1h de lumiere du jour devant moi.
Je me precipite sur la balise de detresse Sarsat, que j'essaie de declencher mais ma panique est telle en ce moment que je ne parviens pas a enlever le cache et appuyer sur le bouton 'ON', chose a peu pres aussi compliquee qu'ouvrir une boite de Tic Tac et qui prend normalement 3 secondes a un enfant de 5 ans. La panique
me submerge. Mon cerveau court-circuite. Probabalement ce que vivent les personnes sujettes a des crises de claustrophobie.
Cette balise est mon bien le plus precieux en ce moment, je la mets de mes mains tremblantes dans la poche de ma polaire, en attendant de retrouver mes moyens les plus elementaires, et pars a la recherche de la petite balise personnelle qui etait en permanence dans la poche de ma veste de quart. Je la trouve, hesite a essayer
de la declencher mais me dis qu'il vaut mieux que j'active la grosse Sarsat et garde la balise personnelle sur moi pour plus tard, en deuxieme chance, si les secours ne nous ont pas trouves dans les 24H que dure, crois-je, le temps d'emission d'une balise. Je me calme un peu, finis par declencher la Sarsat, la remets dans ma poche, priant pour que le signal soit assez fort pour passer au travers d'une coque retournee. Je prends un gros projecteur etanche, en attache la dragonne a mon poignet.
Pars a la recherche d'un bidon d'eau de 20L et du bidon de survie, heritage des courses en Mini, dans lequel nous avons stocke tout le necessaire a une survie en mer (feux de detresse, rations alimentaires, couvertures de survie, etc). Je les attache pres de la descente. Tout est pret. Je me rappelle alors ce que l'on m'a dit en
stage de survie, qu'il est important de prendre ses papiers. Je retrouve ma valise, l'ouvre, prends mon portefeuille et tombe sur le dessin que j'avais demande a mon fils de faire et me donner en guise de porte-bonheur pour la traversee. Je traverse la mer et reviens avec, lui avais-je dit. Comme une premonition, Leo n'avait pas dessine un bateau, un soleil ou un dauphin mais m'avait demande comment on ecrivait 'tu viendras a mon anniversaire de 6 ans'... Il m'avait recopie en grand sur sa feuille et agremente sa demande de
fleurs et coeurs de toutes les couleurs. Je suis pris d'un hoquet et ne peux retenir mes larmes. Tu parles que je vais venir a l'anniversaire de tes 6 ans fiston, tu parles ! C'est pas mon jour de mourir ! J'veux pas mourir !
Deja 50cm d'eau. Il commence a faire sombre, les objets qui ne flottent pas, spis gorges d'eau, obstruent les hublots. J'arrive de moins en moins a croire que je vais pouvoir m'en sortir. La perspective de ma mort prochaine me parait aussi ineluctable qu'insupportable. Je veux sortir de cette prison, j'en deviens fou. Je
prends une latte de bois qui flotte a proximite et me mets a defoncer comme un forcene une cloison que je pense donner acces au cockpit. Elle finit par eclater... mais donne sur le bloc moteur.
L'air est sature de gasoil. La tete me tourne, j'etouffe. Je decide alors d'utiliser les WC marins comme arrivee d'air. Mets ma tete sous le trone etrangement suspendu a l'envers comme un lustre au-dessus de moi et active la pompe pour pouvoir respirer un peu d'air frais. Ca va mieux. Je retrouve mes esprits. Et me rappelle seulement a ce moment que les Pogo 850 sont insubmersibles. Je regarde la disposition des mousses d'insubmersibilite et me dis que Zinzolin ne se remplira peut-etre pas totalement et qu'il me restera peut-etre
20 a 30 cm d'air. Pas une solution viable mais peut-etre quelques heures de gagnees en attendant les secours (je prefere ne pas penser a la question du redressement du bateau qui resterait de toute facon problematique).
Je reste alors dans les toilettes, seul endroit ou je pourrais renouveler l'air avec la pompe du WC. Je ne peux plus qu'attendre. La mort ou les secours.
Benoit, dehors, ne cesse de me demander si j'ai active la balise, je lui hurle 'OK, balise activee', mais il ne peut pas m'entendre a cause du bruit ambiant et repose sans cesse la meme question.
Le niveau d'eau dans Zinzolin a depasse un metre, peut-etre 1,2m. Tout flotte et s'entrechoque. Une vague fait soudain giter le bateau, pour la premiere fois. La carene liquide de Zinzolin (les tonnes d'eau se deplacant a l'interieur) semble faire son oeuvre. La gite augmente progressivement... et le bateau se retourne tout en douceur !
Je fonce sur le panneau de descente que j'ouvre frenetiquement et tombe nez a nez sur Benoit, tout aussi hagard que moi, qui me lance un 'putain, on est vivants, mec!'. Toujours vivant pour Benoit, de nouveau vivant pour moi qui reviens d'entre les morts. Je suis libre, libre, sorti de mon cercueil !
On a perdu la quille, lui dis-je ! Benoit m'apprend que non, elle est toujours en place, il s'y etait agrippe.
Comment se fait-il alors que le bateau soit reste une heure a l'envers ?
Qu'importe, il faut maintenant organiser la suite. Je prefere rester a l'abri a l'interieur, malgre l'odeur de gas oil, mais Benoit pense qu'il vaut mieux rester dehors. Je suis encore en etat de choc et n'ai pas la
capacite a reflechir de maniere lucide ; nous n'avons de toute facon pas beaucoup le choix, 3 grosses vagues successives ajoutant 20cm supplementaires au bateau pendant que nous discutons. Nous sortons le bidon d'eau et celui de survie, les attachons fermement, fermons le capot de descente afin que Zinzolin ne se remplisse pas
davantage et que les mousses d'insubmersibilite ne s'en echappent pas.
Il reste 1,5m de mat, nous y installons le plus haut possible la flash light de la bouee fer a cheval qui s'est declenchee automatiquement. Nous nous asseyons et nous harnachons sur le roof. Le pont est quasiment au niveau de l'eau et seul le roof est totalement hors d'eau, espace de vie d'1m sur 1,5m emergeant de 50cm, balaye par
les vagues qui nous envoient valdinguer comme des canards en plastique. Un ilot de 1,5m2 a 2000km de l'Afrique et 3000km de l'Amerique. Mais nous savons que des concurrents de la course sont proches et que des cargos empruntent cette route vers l'Amerique du Sud.
Je ne suis pas inquiet. La situation n'est objectivement pas des plus enviables mais je suis presque heureux. Il y a une heure j'etais certain de mourir seul, rien ne peut etre pire. Nous echangeons quelques blagues. Nous sommes reperables par la flash light fixee sur le mat et par celle de la Sarsat que nous tenons toujours pres de nous. Si elle n'a pas suffi nous pourrons renouveler l'operation demain et declencher la petite balise puis utiliser la flash light de Benoit et le gros projecteur pour nous faire reperer. L'eau n'est pas tres froide, nous pouvons tenir au moins deux jours sur notre ilot.
Au bout de 3 ou 4 heures j'apercois les lumieres d'un bateau ! Nous prenons une fusee parachute dans le bidon de survie et la declenchons. Le cargo se dirige vers nous. Un engin de 190m de long et 40 000 tonnes que son capitaine manoeuvre avec une maitrise impressionnante, passant tout d'abord devant nous pour analyser la situation avant de revenir et s'immobiliser a 30 metres a peine a notre vent. J'attache solidement autour de mon poignet la flash light que nous avions fixee au mat, et Benoit a toujours sur lui sa propre flash light. Il va falloir sauter a l'eau, pas envie de disparaitre connement dans la nuit noire si pres du but.
Des hommes nous lancent des cordes que nous attrapons, quittant definitivement Zinzolin pour nous retrouver au pied d'une paroi metallique de 10 metres de haut. Un filet de corde descend le long de la coque. Le meme que ceux que l'on trouve dans les parcours d'accrobranche sauf que la, apres 4h dans les vagues, epuises, transis et stresses, ce n'est pas le meme jeu ! Je m'y accroche, l'eau redescend de 5 metres et je ne peux me retenir a la seule force de mes bras tetanises. Je tombe a l'eau, tout comme Benoit. Nous remontons au niveau du filet au gre d'une nouvelle vague, Benoit parvient a y glisser un pied et reste aggripe mais je retombe. L'equipage lance une echelle de corde avec des marches en bois. Je la saisis trop tot lorsque l'eau me monte, ne la tenant qu'avec les bras. Replouf. Pour la vague suivante (en realite c'est le cargo qui, dans son roulis, se penche de notre cote, nous donnant l'impression que c'est une vague qui nous monte) j'attends d'etre propulse le plus
haut possible et reussis cette fois a y poser un pied. Puis deux. Ca y est, j'y suis.
Je monte seulement deux ou trois marches mais je suis debout sur mes jambes et ne retomberai plus. L'equipage nous hisse, Benoit dans son filet et moi sur mon echelle. De grands gaillards nous saisissent. Ils ont l'air aussi heureux que nous.
Fin du cauchemar. Pendant une heure, j'ai vu la mort s'avancer vers moi sans rien pouvoir faire pour l'arreter. Aucun mot ne peut decrire l'horreur, le desespoir et l'infinie solitude ressentis face a la mort atroce et imminente qui m'etait promise, seul condamne dans ce cercueil. Quand Zinzolin s'est redresse et que j'ai revu le ciel, une nouvelle vie a demarre pour moi. Elle aurait pu ne durer que quelques heures, elle n'en aurait pas moins ete nouvelle ; une resurrection. J'aurais bouffe tous mes doigts un par un jusqu'a l'arrivee des secours s'il l'avait fallu. L'heure passee dans la coque retournee n'appartient a aucune de ces deux vies. Elle est une
incursion dans l'enfer et la folie.
L'insubmersibilite du Pogo 850 nous a sauve la vie. Sans elle je coulais par 5000 metres de fond dans ma cage, et Benoit mourait seul, perdu et indetectable au milieu de l'ocean. Elle devrait etre obligatoire pour tous les voiliers hauturiers, en lieu et place d'elements de confort qui transforment les navires a voile en caravanes pour pontons et mouillages. Pour ma part je ne prendrai plus jamais la haute mer dans un bateau qui ne soit pas
insubmersible. Tout comme la balise Sarsat : obligatoire en course au large, elle ne l'est pas en croisiere hauturiere, mais que sont 500 euros face a la possibilite de sauver tout un equipage ? Je me demande, enfin, s'il ne serait pas opportun de prevoir une trappe de sortie sur des monocoques, comme sur les catamarans de croisiere. Car il est aussi difficile, voire impossible de sortir d'un monocoque retourne et dequille.
Ma gratitude envers l'equipage polonais de Polesie sera eternelle. Tout d'abord envers son capitaine Mirek (Miroslav) qui a pris la decision de derouter ce mastodonte pour venir nous secourir. Ses officiers Mirek, Marek et Carolina, qui nous ont egalement accueillis et traites a bord comme des hotes de marque. Toutes les paires de bras qui nous ont hisses a bord, nous ont donne leurs vetements et nous ont couverts d'attentions. A eux tous, merci.
J'irai a l'anniversaire de 6 ans de Leo.
Voici donc toute l'histoire telle que je l'ai vecue.
Benoit en a eu une autre vision, pas beaucoup plus agreable, depuis l'exterieur de Zinzolin.
Nous naviguons bâbord amures sur Zinzolin ce jeudi 29 janvier 2015, cap au 230, a environ 1000 miles de Madere et 1700 de la Martinique. Depuis le depart le samedi 24 de Quinta do Lorde le vent est plus fort que prevu par les fichiers meteo, la plupart du temps voisin de 30 noeuds au lieu des 15 annonces.
Cette Transquadra est pour Benoit et moi une maniere de terminer notre histoire avec la 'Mini Transat', course a laquelle nous avions tous les deux echoue a nous qualifier, pour ma part de maniere officielle a cause d'une dechirure a un ligament de la cheville au cours de ma 'qualif' en juin 2003, 3 mois avant le depart de la course, mais surtout parce que je ne me sentais pas encore pret a partir seul en mer pendant 3 semaines sur un bateau de 6,50m.
Zinzolin, de 2m plus long qu'un 'Mini' mais en tous points essemblant, nous permet de fermer une boucle laissee ouverte depuis 10 ans. J'avais, comme Benoit, continue a courir en Mini, participe en Class40 a la Transat Quebec - Saint Malo 2012, mais j'etais equipier sur cette course et il me restait un gout d'inacheve.
Ce jeudi le vent tourne autour de 30/35 noeuds en moyenne, atteignant pres de 40 noeuds dans les grains. La mer devient forte, la houle atteint 5 metres. Surtout, elle est croisee, une houle principale venant du NE croisant un train venu du SE. S'additionnant parfois, certaines vagues deviennent vraiment impressionnantes et quelques
deferlantes m'ont deja secoue et pousse a mon poste de barre. Rien toutefois que nous n'ayons deja vecu au prealable et a plusieurs reprises en Mini.
Vers 18H, je demande a Benoit de me relayer, en lui disant de bien s'attacher pour ne pas prendre le risque de se faire ejecter du cockpit. Sous foc tangonne au vent et grand voile a deux ris, le bateau idealement equilibre et manoeuvrant descend la houle a 150 degres du vent avec une vitesse d'environ 10 noeuds. Il n'est pas question de performance a ce moment mais bien de preservation du bateau, de ses voiles et de son mat, avant de remettre du charbon une fois le coup de vent passe. Nous sommes remontes de la 50eme a la 30eme place en 5 jours et avons bon espoir de faire mieux encore dans les 10 jours suivants.
Pour la premiere fois depuis le depart, avec l'arrivee d'un grain, je ferme le capot de descente, element que je prendrai ulterieurement comme la source de tous mes problemes mais qui nous a peut-etre sauves en evitant que le bateau ne se remplisse d'un seul coup et qu'il ne soit plus possible d'y trouver le materiel de survie.
Je dois etre dans la banette depuis 1H quand tout a coup le bateau se met a giter brutalement dans un grondement de tonnerre, emet un craquement sec et sonore, et se retrouve subitement a l'envers, cul par dessus tete. Je me mets debout, marche sur le plafond de la cabine. Le bateau reste a l'envers. La quille a du casser, me dis-je, ce qui explique le grand 'bang' et le fait que le Zinzolin ne se remette pas a l'endroit. Pas d'autre explication. Je cogne sur la coque et appelle Benoit, qui me repond. Il est bien la, vivant, a cote du bateau, c'est l'essentiel.
Demarre alors l'heure la plus horrible de ma vie.
L'eau commence a entrer dans Zinzolin, principalement par les jointures du panneau de descente et par le panneau de commande du moteur situe a mi hauteur dans le cockpit. Impossible de sortir du bateau, le panneau de descente etant immerge, comprime par la pression de l'eau. Et un bateau dequille ne se redresse pas de lui
meme. Rien a faire, je suis fait comme un rat. Prisonnier d'une cage qui se remplit d'eau et dans laquelle je mourrai noye quand l'eau l'aura completement envahie, ce qui n'est qu'une questions d'heures a la vitesse a laquelle le niveau monte. Je ne peux pas y croire, c'est irreel, je ne peux pas mourir, pas ici, pas aujourd'hui, pas comme ca.
Au cas ou un improbable hasard amenerait le bateau a se redresser, je me depeche toutefois de reunir dans ce capharnaum baignant deja dans 10 centimetres d'eau et de gasoil (les 30L du reservoir se sont vides dans le bateau), tout ce que je peux et dois prendre avant qu'il ne soit plus possible de le trouver. Il fait encore jour, a travers les hublots du roof je vois la mer sous mes pieds ; elle m'eclaire d'un joli bleu turquoise. Je note l'heure, il est 19h30 TU, j'ai encore environ 1h de lumiere du jour devant moi.
Je me precipite sur la balise de detresse Sarsat, que j'essaie de declencher mais ma panique est telle en ce moment que je ne parviens pas a enlever le cache et appuyer sur le bouton 'ON', chose a peu pres aussi compliquee qu'ouvrir une boite de Tic Tac et qui prend normalement 3 secondes a un enfant de 5 ans. La panique
me submerge. Mon cerveau court-circuite. Probabalement ce que vivent les personnes sujettes a des crises de claustrophobie.
Cette balise est mon bien le plus precieux en ce moment, je la mets de mes mains tremblantes dans la poche de ma polaire, en attendant de retrouver mes moyens les plus elementaires, et pars a la recherche de la petite balise personnelle qui etait en permanence dans la poche de ma veste de quart. Je la trouve, hesite a essayer
de la declencher mais me dis qu'il vaut mieux que j'active la grosse Sarsat et garde la balise personnelle sur moi pour plus tard, en deuxieme chance, si les secours ne nous ont pas trouves dans les 24H que dure, crois-je, le temps d'emission d'une balise. Je me calme un peu, finis par declencher la Sarsat, la remets dans ma poche, priant pour que le signal soit assez fort pour passer au travers d'une coque retournee. Je prends un gros projecteur etanche, en attache la dragonne a mon poignet.
Pars a la recherche d'un bidon d'eau de 20L et du bidon de survie, heritage des courses en Mini, dans lequel nous avons stocke tout le necessaire a une survie en mer (feux de detresse, rations alimentaires, couvertures de survie, etc). Je les attache pres de la descente. Tout est pret. Je me rappelle alors ce que l'on m'a dit en
stage de survie, qu'il est important de prendre ses papiers. Je retrouve ma valise, l'ouvre, prends mon portefeuille et tombe sur le dessin que j'avais demande a mon fils de faire et me donner en guise de porte-bonheur pour la traversee. Je traverse la mer et reviens avec, lui avais-je dit. Comme une premonition, Leo n'avait pas dessine un bateau, un soleil ou un dauphin mais m'avait demande comment on ecrivait 'tu viendras a mon anniversaire de 6 ans'... Il m'avait recopie en grand sur sa feuille et agremente sa demande de
fleurs et coeurs de toutes les couleurs. Je suis pris d'un hoquet et ne peux retenir mes larmes. Tu parles que je vais venir a l'anniversaire de tes 6 ans fiston, tu parles ! C'est pas mon jour de mourir ! J'veux pas mourir !
Deja 50cm d'eau. Il commence a faire sombre, les objets qui ne flottent pas, spis gorges d'eau, obstruent les hublots. J'arrive de moins en moins a croire que je vais pouvoir m'en sortir. La perspective de ma mort prochaine me parait aussi ineluctable qu'insupportable. Je veux sortir de cette prison, j'en deviens fou. Je
prends une latte de bois qui flotte a proximite et me mets a defoncer comme un forcene une cloison que je pense donner acces au cockpit. Elle finit par eclater... mais donne sur le bloc moteur.
L'air est sature de gasoil. La tete me tourne, j'etouffe. Je decide alors d'utiliser les WC marins comme arrivee d'air. Mets ma tete sous le trone etrangement suspendu a l'envers comme un lustre au-dessus de moi et active la pompe pour pouvoir respirer un peu d'air frais. Ca va mieux. Je retrouve mes esprits. Et me rappelle seulement a ce moment que les Pogo 850 sont insubmersibles. Je regarde la disposition des mousses d'insubmersibilite et me dis que Zinzolin ne se remplira peut-etre pas totalement et qu'il me restera peut-etre
20 a 30 cm d'air. Pas une solution viable mais peut-etre quelques heures de gagnees en attendant les secours (je prefere ne pas penser a la question du redressement du bateau qui resterait de toute facon problematique).
Je reste alors dans les toilettes, seul endroit ou je pourrais renouveler l'air avec la pompe du WC. Je ne peux plus qu'attendre. La mort ou les secours.
Benoit, dehors, ne cesse de me demander si j'ai active la balise, je lui hurle 'OK, balise activee', mais il ne peut pas m'entendre a cause du bruit ambiant et repose sans cesse la meme question.
Le niveau d'eau dans Zinzolin a depasse un metre, peut-etre 1,2m. Tout flotte et s'entrechoque. Une vague fait soudain giter le bateau, pour la premiere fois. La carene liquide de Zinzolin (les tonnes d'eau se deplacant a l'interieur) semble faire son oeuvre. La gite augmente progressivement... et le bateau se retourne tout en douceur !
Je fonce sur le panneau de descente que j'ouvre frenetiquement et tombe nez a nez sur Benoit, tout aussi hagard que moi, qui me lance un 'putain, on est vivants, mec!'. Toujours vivant pour Benoit, de nouveau vivant pour moi qui reviens d'entre les morts. Je suis libre, libre, sorti de mon cercueil !
On a perdu la quille, lui dis-je ! Benoit m'apprend que non, elle est toujours en place, il s'y etait agrippe.
Comment se fait-il alors que le bateau soit reste une heure a l'envers ?
Qu'importe, il faut maintenant organiser la suite. Je prefere rester a l'abri a l'interieur, malgre l'odeur de gas oil, mais Benoit pense qu'il vaut mieux rester dehors. Je suis encore en etat de choc et n'ai pas la
capacite a reflechir de maniere lucide ; nous n'avons de toute facon pas beaucoup le choix, 3 grosses vagues successives ajoutant 20cm supplementaires au bateau pendant que nous discutons. Nous sortons le bidon d'eau et celui de survie, les attachons fermement, fermons le capot de descente afin que Zinzolin ne se remplisse pas
davantage et que les mousses d'insubmersibilite ne s'en echappent pas.
Il reste 1,5m de mat, nous y installons le plus haut possible la flash light de la bouee fer a cheval qui s'est declenchee automatiquement. Nous nous asseyons et nous harnachons sur le roof. Le pont est quasiment au niveau de l'eau et seul le roof est totalement hors d'eau, espace de vie d'1m sur 1,5m emergeant de 50cm, balaye par
les vagues qui nous envoient valdinguer comme des canards en plastique. Un ilot de 1,5m2 a 2000km de l'Afrique et 3000km de l'Amerique. Mais nous savons que des concurrents de la course sont proches et que des cargos empruntent cette route vers l'Amerique du Sud.
Je ne suis pas inquiet. La situation n'est objectivement pas des plus enviables mais je suis presque heureux. Il y a une heure j'etais certain de mourir seul, rien ne peut etre pire. Nous echangeons quelques blagues. Nous sommes reperables par la flash light fixee sur le mat et par celle de la Sarsat que nous tenons toujours pres de nous. Si elle n'a pas suffi nous pourrons renouveler l'operation demain et declencher la petite balise puis utiliser la flash light de Benoit et le gros projecteur pour nous faire reperer. L'eau n'est pas tres froide, nous pouvons tenir au moins deux jours sur notre ilot.
Au bout de 3 ou 4 heures j'apercois les lumieres d'un bateau ! Nous prenons une fusee parachute dans le bidon de survie et la declenchons. Le cargo se dirige vers nous. Un engin de 190m de long et 40 000 tonnes que son capitaine manoeuvre avec une maitrise impressionnante, passant tout d'abord devant nous pour analyser la situation avant de revenir et s'immobiliser a 30 metres a peine a notre vent. J'attache solidement autour de mon poignet la flash light que nous avions fixee au mat, et Benoit a toujours sur lui sa propre flash light. Il va falloir sauter a l'eau, pas envie de disparaitre connement dans la nuit noire si pres du but.
Des hommes nous lancent des cordes que nous attrapons, quittant definitivement Zinzolin pour nous retrouver au pied d'une paroi metallique de 10 metres de haut. Un filet de corde descend le long de la coque. Le meme que ceux que l'on trouve dans les parcours d'accrobranche sauf que la, apres 4h dans les vagues, epuises, transis et stresses, ce n'est pas le meme jeu ! Je m'y accroche, l'eau redescend de 5 metres et je ne peux me retenir a la seule force de mes bras tetanises. Je tombe a l'eau, tout comme Benoit. Nous remontons au niveau du filet au gre d'une nouvelle vague, Benoit parvient a y glisser un pied et reste aggripe mais je retombe. L'equipage lance une echelle de corde avec des marches en bois. Je la saisis trop tot lorsque l'eau me monte, ne la tenant qu'avec les bras. Replouf. Pour la vague suivante (en realite c'est le cargo qui, dans son roulis, se penche de notre cote, nous donnant l'impression que c'est une vague qui nous monte) j'attends d'etre propulse le plus
haut possible et reussis cette fois a y poser un pied. Puis deux. Ca y est, j'y suis.
Je monte seulement deux ou trois marches mais je suis debout sur mes jambes et ne retomberai plus. L'equipage nous hisse, Benoit dans son filet et moi sur mon echelle. De grands gaillards nous saisissent. Ils ont l'air aussi heureux que nous.
Fin du cauchemar. Pendant une heure, j'ai vu la mort s'avancer vers moi sans rien pouvoir faire pour l'arreter. Aucun mot ne peut decrire l'horreur, le desespoir et l'infinie solitude ressentis face a la mort atroce et imminente qui m'etait promise, seul condamne dans ce cercueil. Quand Zinzolin s'est redresse et que j'ai revu le ciel, une nouvelle vie a demarre pour moi. Elle aurait pu ne durer que quelques heures, elle n'en aurait pas moins ete nouvelle ; une resurrection. J'aurais bouffe tous mes doigts un par un jusqu'a l'arrivee des secours s'il l'avait fallu. L'heure passee dans la coque retournee n'appartient a aucune de ces deux vies. Elle est une
incursion dans l'enfer et la folie.
L'insubmersibilite du Pogo 850 nous a sauve la vie. Sans elle je coulais par 5000 metres de fond dans ma cage, et Benoit mourait seul, perdu et indetectable au milieu de l'ocean. Elle devrait etre obligatoire pour tous les voiliers hauturiers, en lieu et place d'elements de confort qui transforment les navires a voile en caravanes pour pontons et mouillages. Pour ma part je ne prendrai plus jamais la haute mer dans un bateau qui ne soit pas
insubmersible. Tout comme la balise Sarsat : obligatoire en course au large, elle ne l'est pas en croisiere hauturiere, mais que sont 500 euros face a la possibilite de sauver tout un equipage ? Je me demande, enfin, s'il ne serait pas opportun de prevoir une trappe de sortie sur des monocoques, comme sur les catamarans de croisiere. Car il est aussi difficile, voire impossible de sortir d'un monocoque retourne et dequille.
Ma gratitude envers l'equipage polonais de Polesie sera eternelle. Tout d'abord envers son capitaine Mirek (Miroslav) qui a pris la decision de derouter ce mastodonte pour venir nous secourir. Ses officiers Mirek, Marek et Carolina, qui nous ont egalement accueillis et traites a bord comme des hotes de marque. Toutes les paires de bras qui nous ont hisses a bord, nous ont donne leurs vetements et nous ont couverts d'attentions. A eux tous, merci.
J'irai a l'anniversaire de 6 ans de Leo.
Ite anco voi sanza meta, ma da un'altra parte:
Branca branca branca !
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